PRESENTATION DU COLLECTIF HABITAT INTERMEDIAIRE, Sophie GUEGUEN, Caen le 13/06/2017

PRESENTATION COLLECTIF HABITAT INTERMEDIAIRE
par Sophie GUEGUEN Assistante de Service Social – Pôle Pédopsychiatrie – EPSM

Naissance du Collectif Habitat Intermédiaire :

Il y a deux ans, deux professionnelles accompagnaient un monsieur, retrouvé mort à son domicile dans des conditions très difficiles. Cette personne était sortie d’hospitalisation, avait un suivi en addictologie, et vivait de manière très isolée dans un logement insalubre et inadapté à ses troubles.

A la suite de ce décès, le médecin addictologue du CSAPA et les travailleurs sociaux référents se sont réunis pour essayer de trouver des solutions afin de remédier à ces situations de grand isolement ou de sorties d’hospitalisations insatisfaisantes ;
Ainsi que pour réfléchir à l’amélioration des conditions de vie des personnes et du respect de leur dignité.

A la demande de ces professionnels à penser ces questions de fond, et à l’occasion d’une rencontre avec la coordinatrice du SAVS de la Mutualité, Béatrice BESNOUIN, une première rencontre ouverte a été proposée le 29 septembre 2015, adressée aux intervenants médico-sociaux des différentes structures du territoire.
Il s’agissait de réfléchir ensemble à la question de l’habitat proposé aux personnes présentant des grandes fragilités psychiques, sociales et économiques sur le territoire Caennais et qui rencontrent des difficultés à s’inscrire dans les dispositifs de droit commun existants.

Pour ma part, j’avais souhaité participer à cette rencontre pour plusieurs raisons :

A ce moment-là, je travaillais en secteur psychiatrique adulte auprès de patients détenus et je rencontrais au quotidien des difficultés pour leur proposer un habitat décent à leur sortie et pour trouver des lieux adaptés à leurs projets personnels.

Ce public est sans cesse renvoyé à l’obligation de passer par du collectif (de type foyer) avant d’accéder à un habitat individuel alors que d’une part, les foyers n’ont pas ou peu de place et que d’autre part, certaines personnes les plus autonomes auraient tout à fait la capacité à gérer un logement à leur sortie d’incarcération …
Mais ce n’est pas simple de téléphoner aux agences sans téléphone, de présenter sa situation actuelle aux bailleurs, ou encore de remplir les conditions administratives et financières attendues… La chambre d’hôtel 115 (garantie 2 ou 3 jours) devient alors une solution de repli quasi-automatique, accroissant la problématique du repli social, aux risques de devenir le terrain favorable à la reprise éventuelle de consommations abandonnées lors de l’incarcération…

Enfin, j’ai souhaité intégrer ce groupe car l’idée de réfléchir à un habitat adapté à la personne et non l’inverse me semblait tout à fait pertinente et à contre-courant des habituels critères d’admission imposés de fait par les institutions.

Différentes étapes du Collectif Habitat Intermédiaire :

Entre septembre 2015 et juin 2016, 5 séances ont été dédiées au partage d’expériences et de connaissances entre les professionnels. Réunissant une vingtaine de personnes, nous présentions chacun les publics accompagnés, nous évoquions les besoins des personnes, leurs freins et les difficultés dans nos prises en charge, nous partagions les limites de nos structures notamment vis-à-vis de l’accompagnement des personnes aux parcours de vie discontinus.
Les rencontres étaient proposées tous les 2 mois dans les différentes institutions représentées, ce qui nous permettait de prendre également connaissance des divers lieux de prise en charge : soin psychique, somatique, addictologique, accompagnement social, lieux d’accueil de jour et d’hébergement présents sur le territoire Caennais.

Après ces premiers échanges riches et éclairants, nous avons pu commencer à dessiner 4 types d’habitat définis selon 4 dimensions, et ce grâce à l’apport méthodologie de Jean-Luc CHARLOT, sociologue :
les qualités de l’environnement
les qualités attendues du bâti
le type d’accompagnement envisagé
et la configuration de vie

Ainsi, par le croisement des regards et l’évaluation des besoins des publics, nous avons imaginé 4 formes d’habitat :

1. Un habitat dit « collectif » que nous avons défini comme « un lieu permettant aux personnes de s’éprouver face à une situation d’habitat et d’éprouver l’autre dans une situation de co-existence », un endroit avec des espaces privés (type F2/F3) permettant d’accueillir des proches et d’exercer les droits de visite ou d’hébergement des enfants ; ainsi que des espaces collectifs « non imposés » par un règlement intérieur (cuisine, buanderie ou jardin…) ; avec la présence sur site d’une « maîtresse de maison » en soutien aux personnes en difficulté momentanée ou plus durable (comme les personnes en situation de handicap).

2. Un habitat dit « communautaire » permettant aux personnes de s’approprier un ou des espaces, de poser leurs affaires et où les animaux seraient admis sans restriction ; une forme de « squat » régulé par des professionnels. Un lieu proche du centre ville pour en faciliter l’accès avec, comme objectifs, l’accès aux besoins primaires et aux soins de première nécessité. La présence régulière d’un intervenant socio-éducatif permettrait l’orientation des personnes vers les structures du territoire existantes selon les difficultés rencontrées.

3. Un habitat dit « individuel » ou « indépendant », un « chez-soi » inscrit dans différents quartiers de la ville, avec la proposition de T1 ou T1bis (peu représentés chez les bailleurs sociaux) à minima meublés pour que les personnes puissent y mettre leurs affaires afin de s’approprier l’espace. Des logements individuels néanmoins supervisés par la présence d’un « gardien itinérant » veillant aux conditions de vie suffisamment dignes des personnes accompagnées.
4. Un habitat « solitaire », il s’agirait de répondre aux besoins « de tranquillité » voire d’ « isolement » de certaines personnes qui, comme les professionnels l’ont relevé, souhaiteraient vivre en pouvant bricoler chez soi, dans un environnement calme de type campagne. Une personne référente de site pourrait néanmoins proposer un étayage de veille permettant d’empêcher des situations d’isolement total.

A la suite de la constitution de cette base de travail, la question de la concrétisation d’un ou de plusieurs de ces quatre « idées de projets » s’est posée. Par le biais de Mr CHARLOT, nous avons rencontré l’équipe de l’Action Tank Entreprise et Pauvreté en septembre 2016. L’idée était de mettre en relation les besoins repérés par les professionnels du Collectif avec les travaux d’Action Tank basés sur le « chez soi d’abord » et qui recherchent des lieux d’expérimentation. Cette piste de travail en coopération est encore en réflexion à ce jour.

Avant tout projet concret, le Collectif a pensé s’adresser aux acteurs locaux pour promouvoir les observations de terrain et partager notre analyse des besoins du territoire en termes d’habitat. Dans ce mouvement d’échange, nous sommes allés à la rencontre du Conseil Départemental, de la DDCS et des élus de l’agglomération Caennaise.

Parallèlement, nous avons souhaité vérifier nos observations professionnelles auprès des publics accueillis par des entretiens à visée qualitative auprès de personnes se considérant pas ou mal logées, et suivies dans nos services.
Ainsi, nous leur avons posées 3 questions support à la discussion, à savoir :
Si vous aviez à imaginer ou rêver votre habitat, que serait-il ?
Quels sont vos besoins ? (il s’agissait de recueillir leurs besoins au regard des 4 dimensions : les qualités attendues de l’environnement, du bâti, le type d’accompagnement envisagé et la configuration de vie)
Quelle est votre situation d’habitat actuelle ?

Sur la quinzaine d’entretiens réalisés, des grandes tendances ont été relevées : Les personnes se projettent davantage dans un habitat individuel que collectif (souvent perçu comme étant trop contraignant) / elles visent une maison avec un jardin indépendant ou un appartement avec un accès à l’extérieur et une vue sur de la verdure / la majorité des personnes interrogées souhaiterait également bénéficier d’un espace permettant d’accueillir leurs enfants ou amis / le soutien d’un travailleur social pour l’aide aux démarches est également majoritairement évoqué.

Pour ma part, cette expérience de « pas de côté » m’a beaucoup intéressée car elle a pu enrichir ma connaissance des partenaires du territoire, nous permettant de partager des observations, des pratiques et des difficultés de terrain.
Le Collectif m’a donné accès à une certaine créativité collective et à une instance de réflexion plus ouverte, permettant de penser au-delà des outils déjà utilisés et de leurs limites, mais aussi de sortir pour une fois des contraintes institutionnelles pour rêver avec les personnes de leur habitat idéal…

+ ADRESSE MAIL DU COLLECTIF : collectif.hab.int@gmail.com
PROCHAINE RENCONTRE : le 4.07.2017 (prendre contact par mail pour y participer)